Julie FRIOT
Allocution présidentielle (ou le droit de rêver)
Il est temps de vous l'avouer, j'ai des sources assez haut placées et j'ai donc pu me procurer en avant-première le discours qui sera prononcé ce soir à 20h par notre président :
"Meufs, mecs, les potos,
Le 28 octobre dernier, je me suis adressé à vous pour évoquer la crise dépressionnaire que traverse le pays. Jusqu’alors, la reprise de la bamboche était peut-être pour certains d’entre vous une idée lointaine. Elle est devenue une réalité immédiate, pressante.
Samedi soir, les restaurants, les bars, tous les lieux festifs de la nation devront rouvrir leurs portes. Les rassemblements de plus de 100 personnes devant des scènes musicales seront fortement recommandés.
Jamais la France n’avait dû prendre de telles décisions. Elles ont été prises avec ordre, préparation, sur la base de recommandations scientifiques avec un seul objectif : nous protéger face à la propagation de la dépression, autrement appelé la dép’, autrement appelée la grosse loose.
Au moment où la situation psychiatrique se dégrade fortement, tout notre engagement, toute notre énergie, tout notre élan vital doivent se concentrer sur un seul objectif : se rassembler à nouveau, retrouver ses potes, sa famille.
C’est pourquoi, après avoir consulté, écouté les experts en festoyage et surprises-parties, recueilli l’avis consultatif du collectif « Si ça continue, je ne mourrai pas de la COVID mais de ma dépression », et en conscience, j’ai décidé de renforcer encore les mesures pour élargir nos déplacements et nos contacts.
Dès demain midi et pour quinze mois (ans ? décennies ?) au moins, toute la population sera en congés grassement payés afin d’avoir le temps nécessaire pour se consacrer à ses loisirs, passions et autres rêves. Cette décision a fait l’objet d’un accord unanime.
Je vous le redis avec force ce soir : respectons les gestes tactiles, les consignes festives. C’est le seul moyen de protéger les personnes vulnérables, d’avoir moins de concitoyens complétement déprimés et ainsi de réduire la pression sur la ligne téléphonique « SOS Amitié ».
Mes chers compatriotes, je mesure l’impact de toutes ces décisions sur vos vies. Fatigue, mal de tête, horaires de coucher aléatoire, décalage horaire. Faire ses bagages, choisir ce que l’on pourra ou non emporter en voyage, c’est un déchirement. Ne prendre qu’une seule paire de chaussures pour un week-end de 3 jours, c’est très difficile. Cela ne doit pas nous empêcher de partir où l’on souhaite, avec qui l’on souhaite, de se donner des nouvelles, d’organiser aussi des choses avec nos voisins. D’inventer de nouvelles solidarités entre générations. De rester profondément solidaires et d’innover là aussi sur ce point. Je sais que je vous demande beaucoup : organiser des soirées, des apéros, des barbecues...
Je vous le dis avec beaucoup de solennité ce soir, le temps est venu de la célébration et des joies collectives.
Nous sommes en paix. J’appelle tous les acteurs politiques, économiques, sociaux, associatifs, tous les Français à s’inscrire dans cette union nationale qui a permis à notre pays de surmonter tant de crises par le passé. Nous sommes en paix et la Nation soutiendra ses enfants qui, jeunes, vieux, à la ville ou à la campagne, se trouvent en première ligne face à des nuits blanches et des lendemains de cuites qui vont leur demander énergie, détermination, solidarité. Nous y veillons et nous y veillerons.
Mais j’ai une certitude : plus nous agirons ensemble et vite, plus nous surmonterons cette épreuve. Plus nous agirons en citoyens, plus nous ferons preuve de la même force dans le lever de coude, de la même abnégation hépatique, plus vite nous sortirons de cette vie au ralenti. Nous y arriverons.
Régulièrement, je m’adresserai à vous. Comme vous, je présenterai des difficultés d’élocution majeures, à cause d’une consommation excessive d’alcool. Je vous dirai à chaque fois, comme je l’ai toujours fait, comme Julien Doré le fait dans sa dernière chanson, des phrases qui n’ont aucun sens :
«En attendant le futur Cacahuètes et pastaga
Oh là là, oh là là Sers-moi de l'amour dans un verre de pastaga».
Ne nous laissons pas enfermer, agissons avec optimisme, mais retenons cela, le jour d’après, quand nous aurons mal au cœur et une grosse fatigue, nous aurons ri ensemble et je saurai aussi avec vous en tirer toute l’énergie positive, toute l’énergie positive. Hissons-nous, individuellement et collectivement, à la hauteur du moment. Je sais, mes chers compatriotes, pouvoir compter sur vous.
Vive l’Amour ! Vive la Bamboche !"