Julie FRIOT
L'autoportrait de la semaine #2 : une fin de semaine covidesque
Dimanche dernier. 15h37. J5 post test PCR positif.
J'hésite entre commencer la lecture d'un nouveau roman (le 3ème de la semaine), aller me laver ou continuer à regarder le plafond en soupirant d'ennui. Après une crise de 193 éternuements consécutifs, je décide de commencer par me moucher _ si on peut parler de commencement quand on en est à son 2ème paquet de mouchoirs de la journée.
J'ai l'œil sec, le nez tout rouge et l'humeur maussade.
D. a osé m'annoncer hier qu'il avait, lui aussi, la gorge qui gratte et le nez qui coule.
Pâle tentative d'imitation de mon COVID avéré. Je suis sûre qu'il bluffe.
Il est jeune, dans la pleine force de l'âge et il a eu sa 3ème dose de vaccin il y a 10 jours.
En plus, on a bien aéré l'appartement. Tous les jours. Pendant de longues minutes. Le plus longtemps possible. Jusqu'à ce que je me mette à hurler "RAAAAAH ça caille ici, on est en plein hiver, ferme-moi ses fenêtres, je ne vais quand même pas mettre ma tenue de ski à l'intérieur !".
La suite va nous prouver que j'aurais dû.
Soupir, regard plafond, éternuement, mouchoir.
D. est parti à la pharmacie faire un test. Ils proposent des rendez-vous même le dimanche. Jour de repos hebdomadaire accordé par le Seigneur mais apparemment Il a donné des dérogations en cas de Covid (en cas de soldes aussi mais c'est un autre sujet).
En l'attendant, j'ai décidé, de mon côté, de faire un autotest.
Je relis les consignes sur le site de la sécurité sociale. "Possibilité de lever l'isolement à J5 en cas d'absence de symptômes depuis 48h".
Une nouvelle quinte de toux me prend. Puis je me mets à éternuer. Une fois, deux fois, 43 fois. Je cours chercher mon 3ème paquet de mouchoirs de la journée. Me mouche.
Bon ok, prête à commencer, je suis dans les clous, je n'ai pas de symptômes, c'est évident... Oui, bon ok, à part cette put... de rhinite mais c'est sans aucun doute une allergie. Je suis sûrement et soudainement devenue allergique aux chats à 40 ans.
J'ouvre l'autotest.
On dirait vraiment des tests de grossesse ces machins.
Je souris, ça me rappelle l'année 2009, quand je voulais tellement tomber enceinte et que je faisais des tests au moindre doute (les pharmaciens annéciens me remercient encore, ils ont fait des bénéfices record cette année-là).
2022, devant mon test, presque la même situation, l'empressement à voir apparaître la 2ème barre en moins.
Soupir, regard plafond, éternuement, mouchoir.
Allez, reconcentre-toi ma vieille, parce qu'à force d'inattention, tu vas te retrouver en train d'uriner sur ton autotest. A 3€ le machin, ce serait con.
Inspiration, Expiration, et hop, coton-tige dans le pif jusqu'à ce que ça bute dans le cerveau, frotti-frotta, fait 7 tours sur lui-même et puis s'en va, pareil dans l'autre narine, on se retient d'éternuer (putain d'allergie au chat, dès que j'ai fini mon test, je le passe à la tondeuse celui-là) et plouf, coton-tige dans le réactif.
J'ai l'impression de jouer au petit chimiste. J'aurais dû piquer les lunettes de protection et la blouse blanche dans la boîte de jeu de ma fille L., ça aurait fait plus vrai.
Va vraiment falloir que je sorte rapidement de cet isolement parce que mon esprit commence à divaguer un peu trop facilement...
La minute est passée, je ressors mon coton-tige du réactif, adapte le bouchon compte-goutte sur le tube et verse 3 gouttes du mélange "réactif+morve+micro-bouts de mon cerveau attrapés en frottant trop fort" sur le test de gross... sur le test quoi.
15 minutes à attendre avant la lecture du résultat.
J'observe fascinée le liquide monter par capillarité dans la fenêtre du test. En 30 secondes, les deux barres apparaissent déjà. Oh putain, si ça réagit aussi vite c'est que je dois déjà être enceinte d'au moins 3 mois... C'est D. qui va être content.
J'éternue à nouveau. Me rappelle que ce n'est pas un test de grossesse.
Le chat me regarde moqueur. Il ne sera pas rasé aujourd'hui.
5 jours et mon COVID ne m'a toujours pas quitté. Visiblement il se sent bien dans mon enveloppe corporelle. Tu m'étonnes, il a pas choisi un petit deux-pièces étriqué, il est pas con, chez moi, il a de la surface...
J'attends les 15 minutes réglementaires pour être sûre. Je jette à nouveau un œil (mauvais) sur mon test. La 2ème barre est toujours là à me narguer. Elle est encore plus foncée que tout à l'heure.
Soupir, regard plafond, éternuement, mouchoir.
Bruit de clé dans la porte. Retour de D. Il éternue. J'éternue. On éternue. Le chat s'en fout.
- "Quand j'ai dit au pharmacien que j'étais cas contact de ma copine et que j'avais une grosse rhinite et mal à la gorge, il m'a dit de ne pas me faire trop d'illusion sur le résultat de mon test", me sort-il après s'être mouché
- "Hé ben super, il est devin ou quoi ? Si c'est le cas, il aurait pu me dire direct en 2009 si j'étais enceinte ou pas, ça m'aurait évité de dépenser une fortune en test de grossesse !"
Je vois bien que D. ne voit pas le rapport. Je marmonne un "ouais ben j'me comprends". D. lâche l'affaire. De toute façon, il est trop occupé à éternuer de nouveau.
30 minutes à patienter et on aura le résultat du test de D. En attendant, il regarde le biathlon, moi le plafond. Jusqu'au "ding" de sa boîte mail. Clic. Le document s'ouvre :
"POSITIF"
Ouais. Super. Génial. Trop cool.
Franchement, je ne vois pas ce qu'il y a de positif là-dedans. Faudrait changer l'appellation des résultats de test COVID, moi j'dis. J'sais pas, genre le mot LOOSER qui s'afficherait en grand en cas de COVID. Ce serait plus parlant.
Avec tout ça, je ne suis pas près de revoir mon enfant (vous savez celui qui m'a coûté une fortune en test de grossesse en 2009). Elle a demandé l'asile chez son père et les conditions d'un retour dans son pays d'origine n'étant pas réunies, elle va devoir prolonger son séjour. Elle me manque beaucoup ma réfugiée pandémique.
Soupir, regard plafond, éternuement, mouchoir.
En plus, il faut encore que j'annonce à D. que je suis enceinte et qu'il faut raser le chat.
C'est vraiment une journée de merde.
Dimanche, 16h44. J'vais aller me coucher, moi. Ah bah nan, j'suis déjà couchée en fait.
Soupir, regard plafond, éternuement, mouchoir, bonsoir.
Galerie photos de mon retour à la vie normale
Ma tête après un isolement de 7 jours complets :

Quand tu reçois les consignes de la CPAM après ton test positif :

Quand tu redécouvres avec bonheur la beauté et la légèreté du monde extérieur :("putain, c'est trop flippant, laissez-moi rentrer, je veux retourner à la maison finalement")

Et enfin le tant attendu... Retour au bar ! :

En (quasi) direct depuis la brocante d'Annecy,
Votre dévouée,
J.