Julie FRIOT
La déambulation photographique du mercredi #6
Dernière mise à jour : 30 déc. 2021
Une fois n'est pas coutume, cette déambulation photographique n'était, au départ, pas du tout prévue pour en être une.
En effet, quand C. m'a proposé d'aller faire un tour à la fête foraine, je n'avais pas envisagé d'y faire des photos.
J'étais toute entière à ma joie de pouvoir refaire un tour de "Rapid Troïka", manège qui, d'aussi loin que je m'en souvienne, a toujours trôné au même endroit sur la place de la fête foraine d'Annecy et a toujours été, de loin, mon préféré.
Ca tombe bien, aujourd'hui, à (presque) 40 ans, c'est le seul manège m'offrant la juste dose de sensation sans me retourner l'estomac.
C. et A., mes compagnons de bamboche foraine, étant tout aussi motivés par l'idée de faire un tour dans l'indéboulonnable chenille, nous avons donc embarqué dans notre petit wagonnet au son de la voix nasillarde de l'animateur/caissier/forain-depuis-12-générations qui exhortait le chaland à coup de "approchez mesdames et messieurs, approchez, prenez vos places, départ imminent".
Le placier/responsable-du-contrôle-des-tickets/forain-depuis-12-générations nous a conseillé pour l'ordre des places de chacun dans le wagon car la force centrifuge ne manquerait pas dans quelques minutes de nous coller les uns contre les autres comme un vulgaire smoothie dans une centrifugeuse.
Il a donc fait monter C, la plus légère, en premier, puis moi, puis A.
J'ai bien tenté de lui expliquer que A. avait beau être un homme grand et dans la force de l'âge, j'étais plus lourde que lui, mais il nous a fait asseoir dans notre wagonnet dans l'ordre qu'il avait établi de façon unilatérale et sans concertation, et a abaissé la barrière avec l'autorité naturelle d'un forain-depuis-12-générations.
Quand notre chenille/manège/centrifugeuse a commencé inexorablement à prendre de la vitesse, quand le caissier/animateur/forain a lancé son fameux "ça vous a plu, hein ? Vous en voulez encore" qui fait tout le charme d'un tour de manège, à ce moment précis, j'ai senti la hanche de A. craquer sous mon poids.
J'ai bien tenté de me tenir à la barrière pour éviter de totalement écraser ce pauvre A., beaucoup trop jeune pour mourir, mais avez-vous déjà vu la plus grosse des fraises de la barquette rester tranquillement au milieu des autres ingrédients du smoothie quand vous mettez en route la centrifugeuse ? Non, bien sûr. Les lois de la physique sont immuables.
Je me suis tournée vers A. qui gardait malgré tout un sourire crispé pendant que son bassin passait progressivement, sous la pression, de 32 cm de large à environ 60 microns (soit l'épaisseur d'une feuille de papier).
Quand les wagonnets ont enfin stoppé leur folle farandole, A. était définitivement passé de la 3D à la 2D. Il n'était plus que la photocopie de lui-même.
Il s'est alors dit qu'une douzaine de churros trempés dans du nutella était la seule solution pour se regonfler le moral et pas que (même si ce ne sont malheureusement pas quelques churros qui permettront de ressouder son squelette en miettes…).
Nous voilà donc partis, A., C. et moi dans les allées de la fête foraine. Allées désertées hormis par une demi-douzaine de photographes suréquipés (trépied, téléobjectif et appareil dernier cri) et disséminés à des endroits stratégiques de la vogue.
Peut-être rassemblés là à l'occasion de la sortie hebdomadaire de leur club photo ou juste attirés individuellement par le flair du photographe humant la possibilité de beaux clichés ?
Toujours est-il que je me suis dit "Si tous mes pairs sont là à se geler les miches dans une froide nuit de décembre pour photographier des néons, je ne vais pas laisser ma part au chien".
Ni une, ni deux, plutôt trois le temps que mes doigts gelés parviennent à ouvrir mon sac en bandoulière, j'ai sorti mon boîtier.
Ce sera des photos à l'arrachée comme à mon habitude, pas question de trépied pour moi, ni de faire trop attendre C. et A., mais effectivement cette ambiance de fête foraine dépeuplée mérite qu'on s'y attarde.
Comme C. et A. sont de gentilles personnes (et que A. avait besoin de quelques minutes pour ingurgiter ses churros), on a déambulé encore un peu (ça tombe bien, c'est le principe des déambulations photographiques).
Ce qui nous a permis d'admirer les dons commerciaux du propriétaire de cette attraction qui consiste à couper le fil qui retient une peluche pour la gagner, dont l'affichette indiquait :
1€ 1 partie
2€ 2 parties
5€ 5 parties
10€ 10 parties
20€ 20 parties
Aujourd'hui encore, je vis avec cette question sans réponse : aurais-je pu négocier une ristourne pour obtenir 50 parties pour seulement 50€ ?
Le mystère reste entier.
Les photos de la déambulation #6 :